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saveurs chaudes, saveurs brulantes

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chez les épiciers [2]

Le monde des épices est immense : il s’agit donc de s’organiser dans son exploration. Le plus commun chez nous est sans doute le poivre et, couramment, on lui attribue une famille nombreuse. En fait, il est entouré d’un certain nombre de pseudo cousins et de quelques faux frères. Mais vu la fortune remportée par cette famille, on comprend que cela intrigue sec pour se raccrocher aux branches, si l’on peut s’exprimer ainsi. Par analogie, toutes sortes de petites baies plus ou moins rondes et piquantes se sont vues affubler du nom fameux. Mais tout ce qui pique n’est pas poivre…

Le poivre véritable, piper nigrum, est originaire du sous continent indien et le monde méditerranéen l’aurait connu par Alexandre le Grand. Très utilisé dans la cuisine romaine, il connut un véritable engouement au Moyen-Age. Les mauvaises langues disent que c’était pour masquer le goût de la viande faisandée. Toujours est-il que l’on fit de véritables folies pour lui et jusqu’au XVIIIème siècle il fut l’enjeu de luttes certaines fois sanglantes. On le connaît sous trois formes : le poivre noir (que certains voient gris, mais il s’agit du même), le poivre blanc et le poivre vert, mis au point si l’on peut dire par Paul Corcellet, le grand épicier parisien des années “30” à “50”, (et dont on peut lire avec intérêt la biographie par Henri Viard, chez Albin Michel). Cueilli encore verte et conservée “au naturel”, ou par lyophilisation, la baie de poivre conserve sa couleur ver-te, et connut son heure de gloire dans les années “70” ou pas un magret de canard n’aurait osé sortir sans elle… Ensuite le poivre devient rouge, puis brun. A peine plus mûr mais traité de façon tout à fait différente, c’est le poivre noir. Cueilli malgré tout avant maturité complète, puis mis à sécher. L’enveloppe de la baie se met à noircir sous l’action du soleil et à se ratatiner, lui donnant cet aspect ridé qu’on lui connaît bien. C’est en tous cas lui le plus “fort”. Le poivre blanc qui, seul, est véritablement mûr, est plus doux. On l’obtient par trempage et frottage pour le débarrasser de son enveloppe. D’un goût plus discret on l’utilise de préférence dans les sauces de couleur claire parce qu’il ne se voit pas.

Quoiqu’il en soit, noir, blanc ou gris (on appelle également ainsi un mélange de poivres noir et blanc moulus) le poivre supporte assez mal la cuisson (il devient amer) : il vaut donc mieux en saupoudrer un plat à la dernière minute.  Il est en outre de bien meilleure qualité s’il est fraîchement moulu : il mérite donc d’être acheté en grains. Mais si vous désirez en faire pousser sur votre balcon on apprend en lisant l’Abbé Reynal et son EPICES & PRO-DUITS COLONIAUX, publié en 1770, que “la culture du poivrier n’est pas difficile. Il suffit de le placer dans des terres grasses et d’arracher avec soin, surtout les trois premières années, les herbes qui croissent en abondance autour de la racine (…)”. Évidemment, cela se passe sur les côtes de Malabar…

 

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En ce qui concerne les cousins du poivre ils ne sont que quelques uns à sortir de la famille piper (et qui n’a rien à voir avec le champagne). Le “cubèbe”, qui est un nom qui, je trouve, fait extrêmement dix-huitième,  ou “poivre à queue” (piper cubeba), très parfumé, avec des notes marquées de térébinthe, provient d’Indonésie (il s’associe remarquablement à la tomate, aux saveurs sucrées — dans la cuisine aigre-douce, par exemple — aux fromages un peu fades du type feta ou mozzarella à qui l’origan va si bien, et lui aussi a ces arômes de térébinthe). Très utilisé dans les cuisines dites “arabes”, c’est à dire le plus souvent maghrébines, il entre dans la composition de nombreux mélanges d’épices. Ce sont d’ailleurs les négociants “arabes” qui nous l’ont fait connaître… Le “poivre long” (piper longum, ou piper officinarum) se présente comme des chatons de noisetier. Dur, il faut le concasser avant de pouvoir le moudre. L’intérieur de la gousse est plein de minuscules graines. Il a une saveur assez proche de celle du poivre noir mais en plus douce qui en fait, à mon avis, le poivre des fruits. Par exemple, un fudge de fraises au poivre :

Faites revenir à la poêle dans un peu de beurre des fraises équeutées (et coupées en deux si elles sont trop grosses). Saupoudrez largement de sucre, aspergez de quelques gouttes de vinaigre balsamique et assaisonnez au moulin à poivre…

Il y a en Auvergne et en Bourbonnais une recette traditionnelle que j’évoquais dans le précédent numéro, celle du pâté aux poires et au poivre, qui serait sans doute parfaite avec le poivre long:

Epluchez et émincez des poires crues et saupoudrez les quartiers de quelques cuillerées de sucre en poudre. Poivrez largement avec du poivre long broyé et remuez délicatement les poires qu’elles s’imprègnent de sucre poivré. Laissez reposer un moment, que les fruits rendent du jus. Sur une abaisse ronde de pâte feuilletée (toute prête, bien sûr) étalez une dizaine de cuillerées de “tant-pour-tant”, un mélange moitié-moitié de poudre d’amande et de sucre semoule qui absorbera le jus que les fruits rendront à la cuisson. Egouttez les poires en conservant le jus et disposez-les en rosace sur le tant-pour-tant au fond de la tourte en laissant une marge tout autour. Couvrez d’une seconde abaisse de pâte feuilletée un peu plus petite. Mouillez le bord de ce couvercle et remontez la “marge” de pâte sur le couvercle en la pinçant et en appuyant pour qu’elle se soude. Ménagez une cheminée au centre, dorez à l’œuf. Et faites cuire trois quarts d’heure, d’abord à four assez chaud (th. 7) puis plus doucement, dès que la croûte commence à être bien dorée. Mélangez le jus de macération des fruits avec deux bonnes cuillerées de crème épaisse et versez le mélange par la cheminée à l’intérieur du pâté dès qu’il est un peu refroidi. A manger tiède…

 

Le “poivre de Setchuan”, lui, fait partie de la bande des faux frères. Il a usurpé par analogie le titre de poivre. Son nom “botanique” est xanthoxylum piperitum, ce qui est bien joli aussi, mais sert à désigner une sorte de frêne chinois hérissé d’épines. On l’appelle aussi “fagara” ou “poivre anisé”. Et c’est vrai qu’il a une légère saveur d’anis (il entre dans la composition du cinq-épices chinois). Très utilisé dans la cuisine de ce pays, il a conquis quelques grands chefs (Gagnaire donne dans son livre une recette de filet de veau au concombre et cornichons au poivre set chouan). Beaucoup plus simplement il va très bien avec le saumon par exemple et serait parfait dans une marinade de ce poisson. Cru (…le saumon. Pour le “poivre”, comme l’authentique, il est plutôt fragile à la chaleur).

Autre faux frères, le “poivre rose” ou “poivre d’Amérique”, originaire d’Amérique du Sud (Schinus Molle) qui en a séduit plus d’un par sa jolie couleur. Personnellement je lui trouve principalement des vertus presque uniquement décoratives. Très joli dans un moulin en plexiglass… Ou éparpillé sur une assiette de poisson cru.

Enfin, dernier faux frère, extrêmement connu, le “poivre de Cayenne” qui usurpe totalement le nom de poivre à cause de sa saveur piquante mais qui, de près ou de loin, ne ressemble aucunement, par sa forme, à du poivre puisqu’il n’existe qu’en poudre et qu’il s’agit de piment enragé ou langue d’oiseau, séché et moulu. On entre avec lui dans la famille des “saveurs brûlantes”. Famille tout aussi passionnante puisque des civilisations tout entières ont imaginé des cuisines qui lui sont entièrement tributaires, ou presque, pour leur assaisonnement. Mais on abordera le sujet une prochaine fois… Où se procurer tous ces produits? Les grandes maisons traditionnelles, comme Hédiard, ne sont plus vraiment à la hauteur dans ce domaine, il faut bien le dire… Paris est très pauvre en bons marchands d’épices. A part Israël que, personnellement, je n’aime pas beaucoup… C’est pour cela qu’il faut accueillir la nouvelle de l’ouverture à Paris par Thiercelin (l’épicier des plus grandes tables de France), dès l’automne, d’un “show-room” destiné au grand public, comme une bénédiction. Comme je le remarquais dans le numéro précédent les bretons ont gardé le goût du large. On y trouve deux excellents établissements (au moins) : KERJEAN, à Brest, (rue de Siam : ça ne s’invente pas…) et LE COMPTOIR, à Saint-Malo, qui distribue les mélanges étonnants créés par Olivier Rœllinger. A suivre, donc…

 

en image : Rameau de poivre

Publié sur le site : http://www.miam-miam.fr


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