Jean-Marie Thiercelin

On peut être épicier depuis sept générations et fou de comedia dell'arte, prôner le produit vrai et adorer les masques vénitiens. La synthèse se fait dans une minuscule échoppe parisienne, Goumanyat, rue de la michodière*, où le propriétaire Jean-Marie Thiercelin vous reçoit avec une belle affabilité. C'est lui qui a inventé ce drôle de royaume dont les épices sont reines, où "le plaisir des goûts" n'a d'égal que "le goût des plaisirs"…

Tout a commencé dans les années 1800 avec le safran du Gâtinais, que l'entreprise familiale basée à Pithiviers travaillait en quasi-exclusivité. Après le déclin de l'épice française, la maison dut se reconvertir et se diversifier. Elle devint fournisseur de "matières premières végétales" (fruits et légumes transformés ainsi qu'épices) aussi bien pour l'agroalimentaire que pour la grande restauration. Une démarche commerciale totalement atypique, fondée sur la même exigence de qualité, qu'il s'agisse de Guérard ou de Nestlé! "Nous sommes avant tout des triturateurs d'épices, dans la grande tradition des maîtres épiciers, mais avec des outils très perfectionnés", se plaît à dire Jean-Marie Thiercelin. Chez Goumanyat, tous les produits sont dépoussiérés, calibrés et tamisés. Les étagères croûlent sous les bocaux d'épices rares, les poivres inconnus, les mélanges mystérieux. "Abracadabra"? Rose, cannelle, menthe, et poivre noir. "Mille et une nuits"? Ras el-hanout, rose, menthe, estragon… S'il faut cent cinquante mille fleurs pour faire un kilo de safran.

C. M.

*depuis 2002 Goumanyat loge au 3 rue Dupuis, 3e Paris.