Zoom sur La Vanille
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Dans ce numéro et le suivant, nous abordons une des épices les plus populaires, utilisée aussi bien pour les mets salés que pour les desserts.
Quelques mots d'histoire
La vanille est le fruit du vanillier, une orchidée. Ce terme d'orchidée dérive du grec et signifie testicule. Vanille est le diminutif du mot estpagnol, "vaina", qui signifie gaine et dérive du latin "vagina", qui a donné vagin en français. Pas étonnant donc que l'on ait attribué à la vanille des propriétés aphrodisiaques que les scientifiques n'ont jamais été en mesure de confirmer.
La vanille était inconnue en Europe avant le début du XVIième siècle et la découverte des Amériques par Hernando Cortez et les conquistadors espagnols. Ce sont les Aztèques, qui, au Mexique, utilisaient les gousses pour parfumer une boisson à base de cacao et de piment. Les premières importations de gousses de vanille en Espagne, datent de 1510. En France, il faut attendre le XIV décide d'introduire la plante à la Réunion (Ile Bourbon). Malgré plusieurs tentatives, ce fut un échec complet, les plants de vanillier refusant de fructifier. Dès lors, pendant près de deux siècles, le monopole de la production de gousses reste l'apanage du Mexique, en particulier dans la région de Veracruz. On pensait que l'empereur aztèque Montezuma avait jeté un sort sur cette orchidée. Ce n'est qu'au XIXème siècle que le mystère est découvert grâce aux travaux du botaniste belge, Charles Morren, qui réalise en 1836 la première pollinisation artificielle au Jardin botanique de Lège. En 1837, le Français Joseph Henri François Neumann reproduit l'expérience. C'est seulement en 1841 que la méthode de pollinisation artificielle se développe à l'île de la Réunion, grâce à un jeune esclave de douze ans. Selon la légende, pour se venger de son maître qui le punisait, Edmond Albius écrasait consciencieusement les fleurs. La pollinisation artificielle était trouvée. En 1880, les vanilliers sont introduits depuis l'île de la Réunion à Madagascar, qui devient le principal producteur de gousses et qui l'est resté depuis.
Généralités et aspect botanique
La famille des orchidées comprend plus de 25 000 espèces différentes, et dans le genre Vanilla auquel appartiennent les espèces cultivées productrices de gousses, plus d'une centaine d'espèces sont dénombrées. Toutefois, trois sont seulement exploitées :
- Vanilla planifolia G. Jackson, encore dénommée Vanilla fragrans (Salisbury) Ames. Elle donne la vanille la plus réputée, la vanille Bourbon, label regroupant depuis 1964 toute la production du sud-ouest de l'Océan Indien. Elle fournit 80% de la production mondiale, qui se situe autour de 2 000 tonnes.
- Vanilla tahitensis J.W. Moor, qui serait vraisemblablement une sous-espèce de Vanilla planifolia. Elle donne la vanille de Tahiti.
- Vanilla pompona Schiede cultivée aux Antilles et commercialisée sous le nom de vanillon.
Le vanillier est une liane, poussant dans les pays tropicaux humides et chauds, dont la longueur peut atteindre jusqu'à 15 mètres. Sa reproduction est réalisée par bouturage et sa culture nécessite des tuteurs vivants, des arbres tels que le Filao, le Vacquois ou le Pignon d'Inde, qui apportent un ombrage bénéfique. Pour plus de commodité, la liane est recourbée plusieurs fois sur le tuteur de façon à ce que sa hauteur ne dépasse pas 2 mètres, afin de faciliter la pollinisation manuelle et la récolte des gousses. Une vanilleraie compte environ 4 500 vanilliers par hectare pour une production de 200 kg de gousses séchées.
Les fleurs de couleur jaune-vert, une vingtaine, sont regroupées en épis. En général, on ne conserve au maximum que 10 fleurs par épi et 8 épices par liane afin de ne pas épuiser la plante. Dans la fleur, une languette, le rostrellum, sépare les organes mâles des organes femelles. En Amérique centrale, pays d'origine, un inscte spécifique butinant la fleur déchirait cette languette rendant possible la pollinisation. Partout ailleurs, il faut avoir recours à la pollinisation manuelle. Comme la floraison dure un peu plus de deux mois, cela nécessite de passer chaque jour dans la vanilleraie.
Le fruit du vanillier est une capsule appelée communément gousse. Il est récolté 8 mois après la floraison. L'ensemble des gousses d'un même épi est dénommé "balai" par les professionnels.
Les gousses, de la récolte à la commercialisation
Les gousses de vanille Bourbon deviennent déhiscentes lorsqu'elles mûrissent sur la liane, c'est-à-dire qu'elles se fendent et ne sont plus commercialisables. Les gousses sont donc récoltées vertes. Comme elles sont sans arôme, un traitement est nécessaire pour le développer. Il consiste en un échaudage à 65°C pendant 3 minutes, suivi d'un étuvage pendant 24 heures dans des caisses en bois capitonnées ou des couvertures. Au cours de ces étapes, les gousses brunissent et le principal précuseur amer, contenu dans les gousses vertes, se transforme en partie en un sucre, le glucose, et en partie en un composé odorant, la vanilline.
Les gousses de vanille Tahiti ne sont pas déhiscentes. Elles mûrissent sur la liane et ne subissent donc ni échaudage ni étuvage. Pour pouvoir les conserver dans de bonnes conditions et éviter le développement de moisissures indésirables, les gousses doivent être séchées lentement afin que la teneur en eau ne dépasse pas 25%. Ce séchage est très délicat, surtout dans des contrées tropicales où l'humidité ambiante est élevée. Les gousses étalées sur des couvertures posées sur des claies, sont exposées quelques heures au soleil pendant la journée, puis mises à l'abri durant les périodes d'averses ou pendant le reste de la journée. Deux à trois mois sont nécessaires pour réduire la teneur en eau des gousses. Au cours de ce séchage, l'arôme continues à se développer.
Enfin, l'ultime étape dans la préparation des gousses avant leur commercialisation consiste en un affinage en malle. Les gousses sont alors calibrées en fonction de leur longeur, critère de qualité, les plus longues étant les meilleures. Puis, elles sont regroupées en bottes disposées dans des caissons en bois garnis de papier sulfurisé. Elles sont alors stockées plusieurs mois jusqu'à ce que l'on considère qu'elles sont bonnes pour être commercialisées.
Production de vanille dans le monde : quelques chiffres
À la suite de différents évènements climatiques et géopolitiques, il y a quelques années à Madagascr, l'offre ayant chuté, les prix de la vanille ont flambé. Cette situation a facilité l'entrée sur le marché, de gousses d'origines nouvelles comme l'Inde, la Nouvelle-Guinée-Papouasie ou l'Ouganda, pour ne citer que les principales. Néanmoins la production principale est celle de Madagascar, complétée par les Comores et l'île de la Réunion. La production mondiale est estimée entre 1 800 et 2 000 tonnes dont 80% proviennent de Madagascar.
La composition de la vanille
Outre les 24% d'eau, une gousse de vanille Bourbon contient environ 20% de sucre sous forme de glucose, 11 à 15% de matières grasses, 4 à 5 % de sels minéraux et environ 2 à 4% d'arômes. Ce dernier est complexe et comprend plus de 150 composés, dont un seul, la vanilline, représente la presque totalité pondérale de l'arôme et communique à la gousse sa note typique de vanille. Les autres composés apportent des nuances de boisé, de caramel, des notes épicées très importantes du point de vue de la finesse du produit.
Test olfactif et gustatif
Prenons deux gousses de vanille, l'une Bourbon et l'autre Tahiti. Ces gousses doivent être souples au point que l'on puisse en faire un nœud.
Sectionnons un tout petit morceau d'environ 1 millimètre d'épaisseur.? En ce qui concerne la vanille Bourbon, on remarque une forte odeur typique de vanille avec un côté beurré et boisé, très légèrement fumé. En bouche, nez pincé, on perçoit une saveur sucrée, une légère acidité et un peu d'amertume. Lorsqu'on relâche le pincement, se superpose un arôme délicat, très agréable, vanillé et un peu épicé, qui persiste peu, alors qu'en bouche, l'amertume et même une certaine astringence continuent à se développer.
La même expérience faite avec la vanille Tahiti apporte des perceptions bien différentes. Au départ, l'odeur de vanille est plus discrète, le côté boisé est peu marqué alors qu'une perception de foin séché apparaît. Globalement, l'odeur est bien plus douce que celle de la vanille Bourbon, évoquant plus des notes de fruits confits comme le pruneau. En bouche, nez pincé, l'acidité est assez marquée ainsi que le côté sucré. L'amertume et l'astringence sont absentes. A la libération du nez, un fort arôme doux, peu vanillé, rappelle le foin séché et presque un côté bois de réglisse, avec une persistance bien plus grande que celle de la vanille Bourbon. Cette expérience montre à quel point ces deux gousses sont olfactivement et gustativement différentes.
Vanilline, éthylvanilline, extraits de vanille
La vanilline, encore appelée vanillaldéhyde, est une molécule très particulière. C'est un solide blanc, qui, outre ses propriétés odorantes agit contre les phénomènes d'oxydation. Faiblement soluble dans l'eau (10 g par litre), la vanilline l'est bien plus dans l'alcool éthylique et les corps gras. Elle est biosynthétisée naturellement dans les gousses de vanille et peut même former des cristaux à la surface des gousses ; on dit alors qu'elles givrent. Mais la vanilline peut aussi se former par dégradation de la lignine du bois au cours d'un chauffage, par exemple lors de la fabrication des fûts de chêne, quand le tonnelier cintre ses merrains. Au cours de l'élevage d'un vin en fût en chêne, l'alcool éthylique étant un bon solvant de la vanilline, cette dernière passera dans le vin et lui communiquera un arôme de vanille.
L'éthylvanilline est un composé voisin de la vanilline pratiquement insoluble dans l'eau. Il possède un arôme comparable à celui de la vanilline, mais quatre fois plus puissant. Il est utilisé dans un produit bien connu des pâtisseries, le sucre vanillé (sucre enrobé d'éthylvanilline), qu'il ne faut pas confondre avec le sucre vanillé qui est du saccharose enrobé d'extrait naturel de vanille.
On fabrique deux types d'extraits : des oléorésines, produits très concentrés obtenus par extraction à l'aide d'un solvant que l'on élimine ensuite, et des alcoolats, qui résultent de la macération des gousses dans de l'alcool éthylique et dont la puissance dépend de la quantité de gousses mises en œuvre. Des alcoolats assez dilués sont commercialisés en grandes surfaces.
Les fraudes
L’authenticité des extraits et même des gousses, a posé de sérieux problèmes dans le passé. La fraude, en général, consistait à incorporer de la vanilline de synthèse, bien meilleur marché, aux produits naturels. Suite aux travaux réalisés à l'Institut de Recherche Appliqué aux Boissons (IRAB - Pernod-Ricard) et à ceux de la société EUROFINS et grâce à la chasse aux fraudeurs effectuée par le Laboratoire de la Répression des Fraudes et du Contrôle de la Qualité, la situation s'est bien améliorée. On ne voit plus, comme c'était le cas dans le passé, des gousses de vanille contenant uniquement de la vanilline de synthèse, car elles avaient été préalablement épuisées de leurs principes naturels.
Qu'est-ce qu'une bonne gousse de vanille ? Comment la conserver ? Comment l'utiliser ?
Le marché de la vanille Bourbon de Madagascar offre plusieurs qualité de vanille. Pour rester simple, il y a les vanilles dites rouges destinées à l'extraction et les vanilles noires dites "gourmet". Ces dernières représentent moins de 10% de la production. Ensuite les gousses de vanille sont classées par taille (longueur des gousses en cm) : moins de 14 cm, 14-16, 16-18, 18-20 et les plus grosses 20-22 cm. Enfin il y a la teneur en vanilline naturelle qui peut fluctuer entre 1,4 et 2,4 %. La vanille fait l'objet d'une norme AFNOR. La qualité normalement destinée à la restauration est la noire "Gourmet" 18-20 et 20-22.
Avec l'arrivée de nouvelles origines il faut faire attention à être sûr de l'origine des gousses. En effet, ces nouvelles origines ont des plantations de différentes variétés et souvent mélangées. On pense acheter de la vanille Bourbon et on reçoit un hybride.
Si la gousse est de qualité, on peut la conserver sans problème dans un endroit frais et un emballage hermétique. On peut également la mettre à température positive et même congeler les gousses en prenant les précautions d'usages à la remise en température.
Le point de vue des acheteurs
Que ce soit pour la vanille de Tahiti ou Bourbon, les critères de qualité d'une vanille noire gourmet sont plus ou moins identiques.
a. VOIR : Une gousse "Gourmet" doit être d'un beau noir pas forcément brillant 'huilée). Une qualité dite "givrée" laisse apparaître une exsudation de la vanilline sous forme de petits cristaux. La gousse doit être souple, mais pas collante (trop humide). La gousse ne doit pas être trop sèche, ni cassante ou d'un aspect grisâtre.
b. SENTIR : Bien entendu, on doit sentir l'odeur caractéristique de la vanille naturelle beaucoup plus forte et complexe que celle d'un arôme.
c. GOÛTER : On peut mâcher un morceaux de vanille, mais le résultat sera plus évident lors d'une infusion.
La vanille est également travaillée sous diverses formes pour une utilisation plus pratique.
La Maison Thiercelin propose les vanilles Bourbon ou Tahiti en gousses (18-20 et 20-22) mais également un extrait naturel et un sirop de vanille, du sucre vanillé et du sel vanillé pour un ajout aisé de notes de vanille naturelle tant dans les préparations sucrées que salées.
Article réalisé par Professeur Hubert Richard et Jean Thiercelin